
Interrogé sur le dispositif de sortie du confinement, le ministre de l'Intérieur, Christophe Castaner, a affirmé le 5 avril sur France 2 que "le tracking faisait partie des solutions étudiées", "si [ses modalités] respectent les libertés individuelles" et sous réserve "d'avoir le soutien des Français". Le gouvernement semble ainsi se rallier à l'avis du conseil scientifique Covid-19 du 2 avril qui l'invite à étudier "les nouveaux outils numériques permettant de renforcer l’efficacité du contrôle sanitaire de l’épidémie".
Bluetooth moins intrusif que la géolocalisation par GPS
Plus précisément, la France étudierait avec d'autres pays européens l'usage de la technologie Bluetooth pour retracer les contacts d'une personne contaminée à partir de ses déplacements et éviter ainsi de nouvelles envolées des contaminations au moment du déconfinement. Ce système dit de "back tracking", déployé à Singapour via l'application facultative TraceTogether, a fait l'objet d'une analyse détaillée par Terra Nova (lire encadré). Selon le think tank, "cette technologie n’est pas invasive pour la vie privée car aucune donnée personnelle n’est collectée (géolocalisation, liste des contacts…). De plus, elle est plus fiable que les données GPS car la communication Bluetooth permet de connaître la durée du contact entre deux utilisateurs ainsi que le niveau de proximité". Se fondant sur une étude publiée dans la revue Science, Terra Nova ajoute que "l’adoption d’une telle application par 25% des Français permettrait de réduire de moitié le nombre de décès, ce qui à l’échelle du Covid-19 représenterait des centaines de milliers de vies épargnées en France".
Un soutien de l'opinion publique ?
Le gouvernement avance sur des œufs tant le sujet du traçage numérique est sensible. L'État devrait cependant pouvoir s'appuyer sur un allier de poids : l'opinion publique. Si l'on en croit un sondage réalisé fin mars par des chercheurs de l'université d'Oxford, une large majorité de Français serait en effet favorable à l'usage d'une application mobile facilitant, via le traçage des contacts, la sortie du confinement. 48% des personnes interrogées déclarent qu’elles installeraient l’application "sans aucun doute" et 31% "probablement". Des pourcentages qui évoluent peu avec l’âge, le sexe ou la situation de santé du répondant. Une large majorité déclare par ailleurs être prête à suivre "sans aucun doute" les recommandations sanitaires de l’application. Les craintes des répondants se focalisent sur le risque de piratage des données du téléphone et la crainte d'un renforcement de la surveillance du gouvernement une fois l'épidémie terminée. Les résultats s'avèrent enfin très similaires dans tous les pays étudiés par les chercheurs : Allemagne, Royaume-Uni ou Italie.
Le Parlement "vigilant"
En attendant des informations plus précises sur le dispositif retenu par le gouvernement, la représentation nationale ne souhaite pas rester à l'écart de décisions aux lourdes conséquences pour la vie privée. "Le tracking est un sujet sensible, complexe. Il exige un débat démocratique au Parlement, un travail vigilant et approfondi" a affirmé la députée Yaël Braun-Pivet sur Twitter. La commission des lois qu'elle préside auditionne dans cette optique ces 8 et 9 avril la présidente de la Cnil, Marie-Laure Denis, le secrétaire d'État au numérique, Cédric O, ainsi qu'un épidémiologiste spécialiste du big data. Même tonalité du côté du Sénat. Le rapport de la haute assemblée du 2 avril sur le suivi de la crise sanitaire estimait en effet que "les propositions du gouvernement en matière de traçage devront être rapidement explicitées et exposées sans délai devant la représentation nationale. Elles seront examinées avec la plus grande vigilance au regard des atteintes susceptibles d’être portées aux libertés individuelles".
Solution nationale ou européenne ?
De son côté, le contrôleur européen de la protection des données (CEPD) souhaite une approche européenne du sujet, déplorant la multiplication des projets d'application dans les états membres. Dans un communiqué en date du 6 avril, le CEPD souligne que "le RGPD permet le traitement de données sensibles lorsque cela est nécessaire pour des raisons d'intérêt public dans le domaine de la santé publique, comme la protection contre les graves menaces sanitaires transfrontalières". Il rappelle ensuite le périmètre dans lequel doivent s'inscrire ces projets : objectifs précis et limités, proportionnalité des données collectées, caractère temporaire des dispositifs mis en œuvre. Le contrôleur européen donne ensuite sa préférence pour le système de traçage de contacts à l'aide de la technologie Bluetooth. Il propose cependant que le projet soit coordonné au niveau de l'Union européenne, "idéalement" en lien avec l'OMS.
ncG1vNJzZmivp6x7o63NqqyenJWowaa%2B0aKrqKGimsBvstFomqiumZl6coWMpZhmqJmowaZ5za6knqqZpsKmec%2BorKtlkZ6xpr6MmqxmnJWYvK%2ByyKecpp2eqXq0sYypqZ6bmaiy