
Trois questions à David Lisnard : "Il faut sauver la filière touristique et événementielle"
Sa ville vit nécessairement les choses avec une âpreté particulière. David Lisnard, maire de Cannes, témoigne de l'ampleur des conséquences économiques de la crise pour un territoire tourné vers le tourisme et l'accueil d'événements internationaux. Et pour toute une série de professionnels. Nombre d'entre eux se sont pour la première fois tournés vers le centre communal d'action sociale.
Localtis - On sait que la crise économique liée à la crise sanitaire a, depuis le printemps dernier, particulièrement affecté les territoires touristiques. Quel diagnostic poseriez-vous aujourd’hui, à la fois en tant que maire de Cannes et en tant que président du comité régional du tourisme Côte d’Azur France ?
David Lisnard - Le diagnostic est violent pour notre territoire. Le secteur du tourisme pèse directement à hauteur de 20% sur toute l’économie du département, et jusqu’à 50% dans le secteur de Cannes. Très clairement, on estime d’ores et déjà les pertes de revenus pour la Côte d’Azur à environ 2,6 milliards d’euros. Il faut avoir la lucidité de regarder les chiffres et, derrière les chiffres, d’avoir à l’esprit les réalités humaines très douloureuses qui, peu à peu, se font jour.
À Cannes, la mise à l’arrêt depuis la mi-mars du palais des Festivals et des Congrès, premier centre de congrès de France hors Paris, a engendré une perte d’environ 800 millions d’euros de retombées économiques. 17 manifestations ont été annulées. Cela représente 390.000 nuitées en moins pour les hôteliers - sans compter celles générées par les plateformes de location saisonnière - mais ce sont bien d’autres métiers qui pâtissent de cette situation : les extras, les indépendants, les restaurateurs et traiteurs, les chauffeurs de taxi et transporteurs, de nombreux artisans et tous les commerçants évidemment qui risquent de mettre la clé sous la porte.
Les perspectives ne sont malheureusement pas plus réjouissantes avec des tendances pour la saison d’hiver préoccupantes, notamment en termes de réservations, et la prorogation de l’état d’urgence sanitaire jusqu’au 16 février ne nous permet pas la moindre visibilité.
Un important plan Tourisme a été présenté en mai dernier, complété depuis par d’autres mesures, qu’il s’agisse de mesures d’urgence ou d’actions de moyen terme dans le cadre du plan de relance. Ces réponses vous semblent-elles adaptées ? D’autres actions devraient-elles, selon vous, être mises en œuvre ?
Dès le mois de mars, j’ai alerté le gouvernement sur la nécessité de prendre en compte le risque que faisait peser sur la pérennité de nombreux entrepreneurs de la filière touristique et événementielle la mise à l’arrêt presque complète de leurs activités professionnelles. Aucune annonce concrète n’a été formulée en dehors du maintien des dispositifs bienvenus, dans l’urgence, de perfusions publiques communiqués en juin dernier par le ministre de l’Économie et des Finances et confirmés depuis. Cependant, ces mesures ne permettent pas d’envisager une relance de l’activité. Or c’est par la relance que nous parviendrons à sauver les filières, sauvegarder les emplois et aussi résorber la dette qui ne cesse de croître et nous menace d’une crise budgétaire et financière à moyen terme. J’ai ainsi insisté lors du conseil interministériel du tourisme du 12 octobre dernier pour que l’on puisse anticiper différents scenarii d’évolution de la maladie permettant, en sortant des carcans administratifs et bureaucratiques, d’envisager notamment l’organisation d’événements dans le strict respect des règles sanitaires.
Votre ville connaît une situation spécifique, étant donné ce poids du tourisme d’affaires et d’événements internationaux de premier plan comme le Festival de Cannes. Avec derrière, vous le disiez, toute une économie locale, toute une série de services et métiers… Quel accompagnement proposer aux "sinistrés", y compris sur le terrain social ?
L’annulation de tous les rendez-vous événementiels à laquelle nous devons faire face touche en effet un ensemble d’entreprises qui vivent en grande partie du tourisme et du tourisme d’affaires particulièrement. Nous sommes, il faut le rappeler, la première ville de France hors Paris pour le MICE* et pourtant, nous constatons que rien ne vient pour lever toutes les incertitudes qui pèsent sur cette filière essentielle à notre économie locale. Sur le plan social, nous sommes très vigilants car cette crise sanitaire et économique fait de nombreuses victimes, souvent silencieuses, qui n’ont pas la "culture du guichet".
Durant le premier confinement, nous avions ouvert le palais des Festivals et des Congrès aux SDF. Nous avons décidé de leur rouvrir des salles dédiées pour les héberger durant cette période. Nous avons aussi créé le 27 octobre une cellule municipale d’aide aux victimes économiques et sociales de la Covid-19, pilotée par le CCAS. À ce jour, cette cellule a recueilli près de 200 appels provenant d’une population à laquelle le CCAS n'a généralement pas affaire : pour 90%, ce sont des artisans, des commerçants, des restaurateurs, des chefs d’entreprise. Les aides apportées sont de plusieurs ordres. Elles peuvent être administratives, financières, alimentaires, en formation aussi, et parfois psychologiques. Nous nous efforçons de répondre avec célérité en lien avec nos partenaires - CCI, syndicat des hôteliers, hôpital de Cannes, Pôle Emploi, PLIE, mission locale, Fondation de Cannes - et les associations locales.
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